L’histoire regorge de moments clés qui ont signifié un nouveau départ visant à changer le monde. Il faut espérer que l’ère post-corona évoluera dans la bonne direction.

Le capitalisme est de nature instable. Le professeur américain Richard Wolff le formule comme suit: « Si votre camarade de chambre était aussi instable que le capitalisme, vous auriez déménagé depuis longtemps, ou vous l’auriez convaincu de chercher de l’aide professionnelle. » Notre système économique actuel connaît des hauts et des bas  – les périodes de progrès économique et de déséquilibre économique s’alternent – et n’apporte aucune réponse à la crise du corona. De profondes  réformes s’imposent.

Public ou privé?

Nous nous souvenons tous de la crise bancaire de 2008. Les gros revenus  qui, pendant des décennies avaient encensé les bienfaits dudit « marché libre », se sont adressés  aux pouvoirs publics  pour sauvegarder leurs institutions. Ils étaient en effet trop grands pour couler. Le gouvernement les a secourus avec des dizaines de milliards d’aide directe et de garanties de crédit.

Aujourd’hui, à la suite de la crise sanitaire, ce rituel se répète. Aujourd’hui aussi,  les entreprises s’adressent aux pouvoirs publics  dès que les choses tournent mal. Il est parfaitement compréhensible que de petits indépendants et entrepreneurs ne sachent pas  faire face à ce type de déséquilibre économique – les aides publiques semblent dès lors pleinement justifiées. Cependant, lorsque de grandes entreprises font appel à l’Etat Providence après avoir engrangé pendant des années des milliards de bénéfices et gratifié leurs actionnaires de plantureux dividendes tout en louant le marché libre, il y a quelque chose qui cloche.

Il est urgent de mettre fin à la  socialisation des pertes et de la privatisation des profits. Parce qu’en cas d’embellie, ces entreprises engrangent à nouveau les bénéfices. Les entreprises paient de moins en moins d’impôts parce que l’impôt des sociétés diminue, parce qu’il existe des dizaines d’échappatoires dans la législation permettant une « optimalisation  fiscale ». Il faut inverser la tendance. Les aides publiques et les subventions aux entreprises doivent être beaucoup plus sélectives et toujours liées à des conditions telles que l’emploi.

Les pouvoirs publics ont un rôle actif à jouer

Certains secteurs ne devraient pas être abandonnés au marché, d’une part parce que ce sont des secteurs-clés qui devraient bénéficier à la population dans son ensemble et, d’autre part, parce que le risque d’un « aléa moral » (moral hazard) est trop élevé. Depuis 2008, les grandes banques ont appris qu’elles étaient trop grandes pour couler et que, si nécessaire, les pouvoirs publics n’hésiteraient pas à leur venir en aide. Cela ne favorise pas un comportement socialement responsable.

Les pouvoirs publics ne doivent pas hésiter à jouer un rôle actif dans certains secteurs clés ni à placer certains de ces secteurs sous contrôle public-  comme le secteur de l’énergie. Nous ne devons pas laisser au marché le soin de trouver des solutions à la crise sanitaire, pas plus qu’à a crise climatique. Ces derniers mois, nous sommes tous restés chez nous, les voitures étaient à l’arrêt, avec en conséquence, une rare diminution des émissions de gaz à effet de serre. Ce changement massif de notre approvisionnement énergétique, si nécessaire à la survie de la planète, ne peut se réaliser que grâce à l’action d’un pouvoir public fort, une action coordonnée au niveau international.

L’organisation de l’économie doit être différente : davantage miser sur les chaînes courtes ; faire plus d’efforts pour une économie circulaire. Ou encore investir davantage dans la formation et offrir plus d’opportunités à ceux qui éprouvent des difficultés à trouver du travail. Faire plus d’efforts en faveur d’une transition climatique juste et concertée vers une économie à faible intensité de carbone.

Investir, investir, investir

C’est pourquoi nous demandons qu’il soit mis fin à la politique d’austérité aveugle menée ces dernières années. Les salaires n’ont guère progressé, alors que la bourse affiche record sur record. Ceux qui nous ont promis un budget en équilibre n’ont fait que creuser encore plus les trous que que les générations futures devront combler.

Investir, investir, investir – ce verbe doit devenir le leitmotiv du prochain gouvernement. Les investissements sont en effet absolument nécessaires, dans les services publics, dans les infrastructures publiques et dans le pouvoir d’achat de la population. Il faut créer une marge pour des investissements publics en prévoyant, au niveau européen,  des ressources et des fonds ; en  assouplissant radicalement les règles budgétaires européennes.

  • Si nous le voulons vraiment, nous pouvons développer les transports publics de demain : une mobilité quasi-neutre du point de vue climatique pour tous, au-delà des frontières nationales. Cela coûtera de l’argent, oui, mais le coût sera encore plus élevé si nous ne faisons rien.
  •  Si nous le voulons vraiment, les salaires et les allocations peuvent augmenter pour que chacun dispose d’un pouvoir d’achat suffisant pour mener une vie digne. Certains millionnaires devront peut-être se contenter d’un peu moins, mais est-ce vraiment un problème ?
  •  Si nous le voulons vraiment, nous parviendrons à améliorer nos infrastructures publiques et à garantir, par exemple, un logement décent pour tous, à prévoir des parcs publics, à reboiser les forêts et à protéger la nature.

C’est ainsi que notre économie sera durable, qu’elle pourra résister aux crises et sera parée pour l’avenir.